«Bandaged», l'amour gothique selon Maria Beatty
Par Xavier Leherpeur vendredi 04 septembre 2009
INTERVIEW. Avec «Bandaged», la cinéaste Maria Beatty, connue pour son érotisme noir, son récent court métrage «Belle de Nature» produit par France 2, détourne avec talent les codes du cinéma fantastique pour filmer une troublante histoire d'amour entre deux femmes.
Imaginez le romantisme des Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, le côté oppressant de Psychose d'Hitchcock et le fétichisme de Fassbinder, et vous aurez une idée de ce que va provoquer en vous Bandaged...
Bandaged, le nouveau long-métrage de Maria Beatty, coproduit par Jürgen Brünning (le producteur des films de Bruce LaBruce) et avec comme producteur exécutif Abel Ferrara, est une petite merveille de sensualité ambiguë, servie par une distribution impériale, une direction d'acteurs tout en subtilité et une mise en scène à la fois érotique, poétique et angoissante.
Le film qui poursuit sa conquête des festivals internationaux de
cinéma - à ce jour, il a été sélectionné dans plus de 22 festivals -
sortira avant Noël dans les salles aux Etats-Unis et, le 19 octobre
prochain, en Allemagne. En France, il sera distribué à partir de demain
dans toutes les fnac...
TÊTUE: D'où vient l'idée de départ de Bandaged?
C'est
d'abord un hommage au genre fantastique. Avec une petite part
autobiographique puisque mon père était médecin et que mes souvenirs
d'enfance et mes expériences ont beaucoup nourri le scénario. Entre
autres une fascination quasi fétichiste acquise très jeune pour le
matériel médical et la figure très ambivalente de l'infirmière. Celle
qui soigne et séduit. Presque une sainte... c'est d'ailleurs pour cela
qu'elle se prénomme Jeanne dans le film, comme une référence à Jeanne
d'Arc. Une figure très fantasmatique qui a souvent nourri mon
imaginaire où elle apparaissait tour à tour comme une sauveuse ou comme
une tueuse...
Une jeune fille défigurée, un médecin prêt
à tout pour lui reconstruire son visage, une infirmière ambiguë... le
scénario fait penser aux Yeux sans visage de Georges Franju.
C'est
Claire Menichi, ma coscénariste, avec laquelle je partage beaucoup cet
univers érotique et ce goût pour le fétichisme teinté de soumission et
de domination, qui est une grande fan de ce classique. Film que je
n'avais pas vu avant et que j'ai donc découvert depuis, et avec lequel
je ne trouve pas tant de similarités que cela. Certes les situations de
départ se ressemblent, mais Bandaged inventorie d'autres pistes. Il est plus contemporain, plus fétichiste.
L'infirmière révèle chacun à ses désirs... La fille mais aussi quelque part le père.
On
sent que le médecin est attiré par l'infirmière. De façon presque
obsessionnelle. En revanche on ne sait jamais ce qu'elle pense
réellement de lui. Elle s'en méfie plutôt. Cette femme agit comme un
catalyseur au sein de l'unité de cette famille qu'elle va fissurer.
Apportant avec elle un souffle de liberté pour la jeune fille.
Vous jouez de façon très subtile et personnelle avec les codes du cinéma fantastique...
J'ai essayé de me les approprier et de les intégrer à mon univers. Mais Bandaged
n'est pas juste un film fantastique de plus. D'ailleurs je le vois
plutôt comme un patchwork car il y a aussi un peu de film noir dans la
manière de travailler la tension ainsi qu'une dimension graphique
importante que j'ai souhaité assez proche des films comme Frankenstein de James Whale par exemple ou ceux plus tardifs des studios de la Hammer...
Votre travail de mise en scène, en particulier sur le cadre, exacerbe l'ambiance claustrophobe dans laquelle baigne le film...
Cela
vient d'abord du choix du décor. La maison dans laquelle nous avons
tourné est un personnage à part entière du film. Et je l'ai filmée
comme une extension, une métaphore de l'emprisonnement dans lequel se
trouve l'héroïne. Le cadre devait ensuite souligner son inquiétude, son
isolement. Idem pour la caméra que j'ai souhaité le plus souvent
possible en mouvement, à la fois sensuelle, comme un slow lent par
exemple, et agissant comme un élément supplémentaire de suffocation.
Quel sera votre prochain projet ?
Je prépare mon
prochain long-métrage dont le tournage se déroulera au printemps
prochain, à New York. Il s'agit d'un club décadent dans lequel une
kyrielle de couples différents (gays, lesbiens, hétéros..) se
télescopent, durant une seule nuit alors qu'au-dehors, la folie et
l'incertitude dominent. L'amour, le sexe, le suicide, la mort seront au
menu...
Bandaged de Maria Beatty (BHQL distributeur), avec Janna Lisa Dombrowsky, Martine Erhel...
Disponible à la Fnac, chez Adventice, sur Amazon.com.
20 euros.